Jacques Brel
Auteur-compositeur, chanteur et acteur belge
(Bruxelles 1929 ~ Bobigny 1978)




Extrait d'une interview donnée par Jacques Brel à Henry Lemaire en avril 1971 à Knokke-le-Zoute.

Jacques Brel : Je crois qu'un homme est un nomade. Il est fait pour se promener, pour aller voir de l'autre côté de la colline. Je parle de l'homme, du mâle. Je crois vraiment ça. Et je crois que par essence la femme l'arrête. Alors l'homme s'arrête près d'une femme et puis la femme a envie qu'on lui ponde un oeuf, toujours, toutes les femmes du monde ont envie qu'on lui ponde un oeuf, et je comprends ça. Et puis on pond l'oeuf. Alors l'homme il est bien bon - mais il est gentil, il calcule infiniment moins que la femme. Je ne dis pas que la femme est méchante, je dis que l'homme est con. Voilà ce que je dis. Et l'homme, il reste près de cet oeuf. Et alors il faut de la paille en dessous. Alors on met de la paille. L'homme il va chercher de la paille pour mettre en dessous de l'oeuf. Et puis un jour il pleut. Alors là, il va chercher de la paille, et il fait un toit. Et puis après il y a des courants d'air, alors il bâtit des murs. Et puis après il reste là. Et l'homme est un nomade. Et toute sa vie l'homme - je crois - un homme normal rêve de foutre le camp... vers des espèces d'aventures quelle qu'elles soient, même si le gars est fonctionnaire depuis quarante ans ; quand on le voit un soir et qu'il essaie de se libérer un peu, il vous dit : « J'aurais voulu être pilote, j'aurais voulu être machin. » Tous les hommes ont envie de faire quelque chose. Et les hommes ne sont malheureux que dans la mesure où ils n'assument pas les rêves qu'ils ont. Alors que la femme a un rêve, c'est de garder le gars. C'est pas méchant, c'est un ennemi.
Extrait d'une interview donnée par Jacques Brel à Henry Lemaire en avril 1971 à Knokke-le-Zoute.

Jacques Brel : La bêtise c'est de la paresse. La bêtise c'est un type qui vit, et il se dit : ça me suffit. Ça me suffit. Je vis, je vais bien, ça me suffit. Et il se botte pas le cul tous les matins en disant : c'est pas assez, tu ne sais pas assez de choses, tu ne vois pas assez de choses, tu ne fais pas assez de choses. C'est de la paresse je crois la bêtise. Une espèce de graisse autour du coeur qui arrive ; une graisse autour du cerveau. Je crois que c'est ça.
Extrait d'une interview donnée par Jacques Brel à Henry Lemaire en avril 1971 à Knokke-le-Zoute.

Jacques Brel : Je trouille tout le temps dans la vie tu sais. Bien sur je trouille. Mais, tu vois j'ai chanté 17 ou 18 ans ; j'ai été vomir avant chaque tour de chants. De peur. Quand j'avais trois tours de chants par jour, j'allais vomir 3 fois par jour ; de peur. Et en avion parfois, j'ai très peur. Et je fais du voilier parfois j'ai très peur. Et quand je joue la comédie pour un film, j'ai peur. Et là je vais faire un film, en plus je l'ai écrit. [.] J'ai très peur. Mais j'avoue, j'ai très peur. Cela dit, un homme qui n'a pas peur c'est pas un homme. L'important c'est d'assumer sa peur. C'est ça ! Mais qu'on ne vienne pas me dire qu'un type n'a pas peur. C'est un fou. Faut l'enfermer.
Henry Lemaire : Mais ce besoin que tu as.
Jacques Brel : C'est pas un besoin ! Je trouve anormal de refuser la peur tout le temps. Je trouve anormal cette espèce de sécurité qu'on bien des gens ; je ne leur en veux pas du tout. Bon sang que je les aime bien et que je les respecte. Mais je pourrais pas moi vivre - peut-être que j'ai trop de santé, t'en parlais. Mais, vivre sans avoir peur, sans cette espèce de... mais calculé, pas bêtement hein ! pas du tout, mais c'est pas vivre enfin ! Il vaut mieux être mort quoi ! Parce que je me refuse d'être le gars qui vend des bretelles et qui te dit : « Dans 5 ans. Encore 5 ans et j'écris un livre. » Voilà ! Je crois qu'il faut faire les choses. Mais c'est pas du tout pressé par l'idée de la mort ou machin. Ça c'est une espèce de littérature à la mord moi le noeud qui ne m'intéresse pas. C'est parce que les choses doivent être faites. Et on ne peut pas vivre tout le temps en renonçant à ses envies n'est-ce-pas. On devient fou. On devient malheureux, et on emmerde son entourage. Si un homme a envie de quelque chose ; si un homme a envie de faire le tour du monde, il faut qu'il quitte tout si il en a vraiment envie. Et qu'il quitte tout, et qu'il s'engage comme marin sur un cargo, et qu'il le fasse le tour du monde. Et les gens meurent de ne pas faire le tour du monde quand ils en ont envie sous prétexte qu'ils sont coincés par de fausses obligations. Et s'il reste, eh bien c'est qu'il n'en a pas vraiment envie.




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