Hollywood [p 197 en Livre de Poche]
Le téléphone sonnait sans arrêt. On désirait interviewer le scénariste. Je ne m'étais jamais rendu compte qu'il
existait autant de magazines de cinéma ou de magazines qui s'intéressaient au cinéma. Ça me dégoûtait : cette
fascination pour un genre qui, obstinément, immanquablement, film après film, se montrait incapable de produire quoi
que ce soit de valable. Les gens étaient si habitués à voir de la merde sur les écrans qu'ils ne s'apercevaient même
plus que c'était de la merde.
Les hippodromes représentaient une autre forme de gaspillage d'énergie et d'intelligence humaines. Les gens se
pressaient aux guichets pour y échanger leur argent contre des tickets avec des numéros dessus. Et presque tous ces
numéros étaient perdants. En outre, les sociétés de courses et l'Etat prélevaient 18 % sur chaque dollar joué, qu'ils se
partageaient. Les plus cons allaient au cinéma et aux courses. Et moi, j'étais un con qui allait aux courses. Mais je
m'en sortais mieux que la plupart des turfistes parce qu'après des années passées sur les hippodromes, j'avais fini par
apprendre un truc ou deux. Chez moi, c'était un passe-temps, et je ne flambais jamais. Quand on a été pauvre longtemps,
on en retire un certain respect pour l'argent. On ne veut plus jamais se retrouver sans le sou. C'est réservé aux saints
et aux imbéciles. L'une des clés de mon succès dans l'existence, c'est qu'en dépit de toutes les folies que j'avais
faites, je demeurais parfaitement normal : j'avais choisi de les faire, elles ne s'étaient pas imposées à moi.